SE DÉFENDRE, ÇA MARCHE !
Face à la violence, quelles sont les stratégies les plus efficaces ?
Il existe malheureusement très peu de données permettant de répondre précisément à cette question.
Alors que nous savons relativement beaucoup de choses sur la statistique des violences, sur les dynamiques et les facteurs de risque
Et encore !
Il y a eu très peu de recherches scientifiques sur l’efficacité des différentes approches de prévention des violences.
C’est regrettable car seules de telles recherches permettraient d’évaluer les politiques de prévention.
Voici néanmoins les quelques informations que j’ai pu trouver sur cet aspect.
Les femmes qui ont déjà vécu des situations de violence sont à mon avis bien placées pour nous dire ce qui pourrait éviter qu’elles ou d’autres femmes en (re)deviennent victimes.
Dans une étude suisse sur les violences sexuelles, les femmes victimes de viol considéraient que la défense physique, en combinaison avec la confiance en soi, serait la meilleure stratégie de prévention note.
Elles demandaient plus de solidarité entre les femmes et des cours d’autodéfense pour toutes.
En termes de prévention, elles disaient que les femmes devraient savoir reconnaître et identifier la violence plus tôt et éviter de dépendre des hommes en la matière.
Une étude allemande sur le harcèlement sexuel au travail confirme cette manière de voir : les femmes concernées disent regretter de ne pas avoir réagi plus directement et se disent résolues à poser plus immédiatement leurs limites à l’avenir note.
Parmi les femmes ayant vécu une situation de harcèlement sexuel, celles qui avaient réagi en prenant l’initiative et en posant leurs limites se disaient davantage satisfaites de leur réaction et souffraient de conséquences psychologiques moins graves.
Ces informations peuvent déjà vous encourager à faire le nécessaire pour votre sécurité.
Mais il y a encore mieux !
Toutes les statistiques de la police attestent qu’une grande partie des violences ne vont pas jusqu’à leur terme (c’est pourquoi on parle de tentatives de meurtre, viol ou vol).
De nombreuses agressions ne sont probablement pas rapportées à la police, parce qu’elles n’ont pas abouti grâce à la défense des victimes, souvent des femmes.
Mais encore plus important est le nombre de violences qui n’ont pas eu lieu parce que la victime a su éviter le danger, par exemple en désamorçant verbalement la situation.
Comme il y a une grande partie de cet iceberg qui reste invisible et impalpable, il est difficile d’estimer combien de femmes ont su se défendre, et contre quel type de violence.
En ce qui concerne les violences conjugales, selon une étude américaine, la défense physique semble apte à prévenir et à faire cesser ce type d’agression note.
Lorsqu’une femme victime de violence de la part de son partenaire se défend physiquement ou menace de le faire, cela peut enrayer la violence, si le partenaire prend la femme au sérieux
– soit que l’agresseur se trouve tellement choqué par cette violence ou cette menace qu’il se rend compte à quel point son propre comportement était inadmissible, soit qu’il se mette à « respecter » (= craindre) sa partenaire.
Une autre étude américaine démontre néanmoins que, pour la violence physique et sexuelle, il est moins facile de se protéger d’un proche que d’un inconnunote.
Le problème sous-jacent est sans doute que la violence conjugale s’exerce dans un espace de domination ; souvent, le partenaire violent a déjà mis en place une série de stratégies psychologiques visant à affaiblir la victime afin qu’elle ne parvienne plus à se protéger lorsque la violence physique ou sexuelle proprement dite se manifeste.
Le harcèlement sexuel au travail peut également être prévenu ou arrêté si la femme qui en est victime pose ses limites immédiatement, sans équivoque.
En Allemagne, on estime que la défense physique utilisée à bon escient est couronnée de succès dans 90 % des cas, tandis que se contenter de tenir tête à l’agresseur ou chercher à l’éviter ne seraient des stratégies efficaces qu’à 50 %note.
Si la confrontation est immédiate, qu’elle a lieu devant des tiers et que la femme dépose plainte, elle s’avère généralement plus efficace qu’une défense à huis clos.
Par ailleurs – point très important pour vous montrer qu’il ne faut pas laisser passer des comportements inadmissibles en espérant que cela va s’arrêter tout seul –, ignorer le harcèlement ou y réagir avec humour est l’attitude qui marche le moins bien, ET, dans 10 % des cas, elle aggrave encore l’agression !
La plupart des informations disponibles sur l’efficacité de l’autodéfense concernent le viol.
Des statistiques de la police allemande montrent par exemple que les deux tiers des tentatives de viol enregistrées n’ont pas abouti note !
Même une défense légère, c’est-à-dire avec des mots de refus et des gestes de résistance hésitants, a fait cesser l’agression dans trois quarts des cas.
Cela est d’autant plus vrai quand l’agression a lieu à l’extérieur et que l’agresseur a peur d’être surpris par des témoins.
Plus les femmes se sont défendues avec force, plus elles ont réussi à se dégager.
Selon les mêmes statistiques, la défense physique n’a entraîné l’escalade de la violence que dans un cas sur presque 300 tentatives de viol.
Bien sûr, l’autodéfense n’offre aucune garantie absolue contre l’agresseur, mais elle réduit nettement ses chances de succès :
les agresseurs sont parvenus à violer 81 % des femmes qui n’ont pas osé résister, mais seulement 16 % de celles qui se sont défendues, même faiblement.
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Une analyse comparable menée en Autriche a confirmé tous ces résultats dans les grandes lignes note.
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Ces études indiquent aussi clairement qu’une femme risque moins d’être blessée au cours d’une agression sexuelle
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Et que l’agresseur risque plus souvent d’être arrêté et condamné
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Lorsqu’elle se défend de toutes ses forces et avec la rage au ventre.
Outre les statistiques policières, plusieurs études scientifiques plus larges ont été menées sur la prévention du viol, principalement aux États-Unisnote.
En 1967, une étude effectuée à San Francisco montrait que les meilleures stratégies pour empêcher un viol comprenaient : la défense verbale et physique immédiate, une attitude méfiante ou impolie et la colère. Une combinaison de différents types de résistances, physiques aussi bien que verbales, et surtout une défense sans compromis, avait les meilleures chances d’empêcher un violeur de parvenir à ses fins.
De plus, les femmes qui ont pu stopper l’agression étaient celles qui avaient réagi avec le plus de méfiance, d’impolitesse ou d’hostilité contre l’agresseur avant que ne commence l’agression proprement dite.
Ces résultats sont corroborés par plusieurs études menées dans les années 1980 dans ce même pays, montrant que les femmes qui ne résistaient pas étaient violées dans presque tous les cas, sauf s’il y avait intervention d’un tiers.
Mais quelles sont ces femmes qui ont réussi à opposer la défense la plus efficace ?
En règle générale, des femmes qui savaient se débrouiller dans la vie de tous les jours, qu’il s’agisse de changer un pneu de voiture, de réparer un robinet qui goutte ou de dispenser les premiers secours en cas d’accident.
Quand elles étaient enfants, beaucoup d’entre elles avaient été encouragées par leurs parents à ne pas se laisser faire quand les autres enfants ne les respectaient pas, au lieu de résoudre les conflits à leur place.
Voici un indice intéressant pour savoir comment éduquer nos filles (et fils) pour qu’elles (et ils) soient moins vulnérables à la violence, et comment nous éduquer nous-mêmes pour devenir des femmes indépendantes et capables de prendre soin de nous.